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Le 27. août 2006 à 15h35

  Nuisances et Pollutions sur le littoral méditerranéen.

En 1980 Nardo Vicente tournait un film sur les pollutions de notre littoral. Aujourd’hui 26 ans plus tard, il nous présente dans le cadre des « Mercredis de la mer » un bilan de la situation.

Nardo Vicente, responsable scientifique de l’Institut Paul Ricard et professeur à l’Université d’Aix-Marseille III.

Nardo Vicente, responsable scientifique de l’Institut Paul Ricard et professeur à l’Université d’Aix-Marseille III.

L’institut Paul Ricard a organisé tout au long de l’été des conférences sur des thèmes liés à la mer et à notre littoral. Parmi les sujets traités l’Institut nous a entre autre proposé les thèmes suivants : « Faune et Flore méditerranéennes », « La pêche littorale en méditerranée », « La grande nacre de Méditerranée ».

Le mercredi 16 août Nardo Vicente, responsable scientifique de l’Institut Paul Ricard et professeur à l’Université d’Aix-Marseille III, nous présentait un bilan sur les nuisances et les pollutions de notre littoral.

Pour bien comprendre l’évolution il faut remonter à 1960. A cette époque tout est rejeté directement à la mer. Non seulement les déchets urbains constitués par les égouts des villes mais aussi les déchets industriels. Des milliers de tonnes de boue rouge sont déversées dans la mer non loin de Fos sur mer. Ces déchets et notamment les boues industrielles recouvrent et tuent les herbiers marins, éliminant ainsi les poissons qui vivent et se nourrissent de ces herbiers.

Paul Ricard, amoureux de la Mer, décide en 1966 de faire quelque chose contre cette situation. C’est alors qu’il fait la rencontre d’Alain Bombard et qu’il décide de créer l’« Observatoire de la Mer » sur l’île des Embiez.

Parallèlement à cela les esprits évoluent et le concept même d’écologie nait. C’est ainsi qu’en 1972 fût créé le premier ministère de l’environnement.

1972 c’est également la date, à laquelle Nardo Vicente rejoint l’observatoire sur l’Île des Embiez. Il recense alors de Marseille à Menton 440 émissaires qui déversent des eaux brutes non filtrées à la mer. L’Emissaire c’est le nom que l’on donne à ces tuyaux qui s’avancent dans la mer et par lesquels les eaux d’égouts sont rejetées dans le milieu naturel.

Pour marquer les esprits il se lance dans le tournage d’un film sous marin, montrant les dégâts causés par ces émissaires. Ce film fût présenté pour la première fois à Marseille en 1980 et fût récompensé plus tard par la Palme d’or du film scientifique au festival de Rio de Janeiro. Nardo Vicente : « On est jamais prophète en son pays ».

Ce documentaire était structuré en 3 parties :

1) Le Paradis :
Dans cette partie le professeur Vicente montre les fonds sous-marins de la réserve de Port-Cros. On ne peut alors qu’être séduit par la beauté de la faune et de la flore, des herbiers sous-marins et de la diversité des poissons y vivant.

2) Le Purgatoire :
Le purgatoire ce sont les plages artificielles du Mourillon à Toulon. A cet endroit ont été installées des plages crées de toutes pièce par l’homme et prises sur la mer. 20 hectares d’herbiers de posidonie (Plantes marines aujourd’hui protégées par la loi) sont recouverts de sable. Pire encore, ce que les responsables n’avaient pas prévu, c’est que 47 hectares supplémentaires de posidonies meurent, du à la très forte turbidité engendrée aux alentours des plages par le déversement de sable. Avec les posidonies disparaissent les nombreuses espèces de poissons, qui y font leurs nids.
Apparemment les municipalités du littoral, n’ont toujours pas compris la leçon, puisqu’elles continuent régulièrement à rajouter des quantités énormes de sable sur les plages.

3) L’Enfer :
L’enfer c’est à cette époque la pointe du Cap Sicié. Toutes les eaux d’égouts de la ville de Toulon et des communes avoisinantes sont rejetées non traitées à cet endroit. Ce sont 350.000 m3 d’eaux usées qui sont rejetées à la mer chaque jour. Et encore le pire dans cette pollution ne sont pas les matières fécales, qui en grande quantité sont dangereuses mais se diluent. Le pire ce sont les nombreux détergents qui se retrouvent à la mer et tuent le milieu naturel.
Nardo Vicente et son équipe ont risqué leur santé à plonger dans cette eau marron pour filmer le fond. Le résultat était catastrophique : des fonds sous-marins désertiques, presque sans vie. Les herbiers avaient complètement disparu pour laisser place à des fonds boueux et jonchés de matières plastiques.

A la fin de la projection Gaston Deferre, alors maire de Marseille, qui avait assisté à la présentation du film, se leva, se tourna vers le public et proclama : « Marseille aura sa station d’épuration ! ». Et en effet, cela aura duré longtemps mais en 1987 Marseille a sa station d’épuration. Malheureusement pour des raisons d’économie les eaux ainsi traitées, qui ne sont pas complètement libérées de leurs impuretés, ne sont déversées qu’à quelques mètres de profondeur, alors que des études scientifiques montrent, que si ces eaux étaient déversées par 100 mètres de fond au delà du plateau continental, les organismes existants à cette profondeur ainsi que la pression y régnant permettraient de finir le travail.

Deux ans plus tard en 1989 Monaco fait mieux. La centrale d’épuration de la principauté est mise en service et déverse ses eaux usées au delà du plateau continental. Le résultat est formidable et permet d’entretenir aux alentours du rocher une réserve sous-marine exemplaire.

Toulon est resté très longtemps à la traîne et n’inaugura sa centrale d’épuration, nommée Amphitria, qu’en 1999. Une récente plongée de l’équipe de Nardo Vicente, à l’endroit même où avait été tourné le film 26 ans plutôt, montra que les choses, sans être parfaites, se sont bien améliorées. La végétation sous-marine commence à reprendre du terrain. Malheureusement là aussi les décideurs ont économisé sur les tuyaux de déversement. Les eaux traitées par Amphitria ne sont déversées qu’à 6 mètres de fond.

Le professeur Vicente conclu sa conférence en disant : « Nous sommes dans la bonne voie, mais il y a encore beaucoup à faire ! ».

XT, le 27 août 2006

Autres photos:

Les conférences des « Mercredis de la mer » se sont déroulées au Fort St. Pierre aux Embiez. Les herbiers de posidonies, plante marine protégée par la loi, jouent un rôle essentiel dans la production d’oxygène. Les herbiers de posidonie abritent de très nombreuses espèces marines.
Les conférences des « Mercredis de la mer » se sont déroulées au Fort St. Pierre aux Embiez.